mardi 13 janvier 2009

Destiné à une étude psychologique d’un psychologue futé


Vivre vingt-huit siècles ou plus

Vingt-huit années se sont écroulées, et je ne sais plus où je suis, et vers où mes pas vont me mener ; je ne sais plus si c’est eux que je défends, ou si c’est moi qui n’arrête plus de se défendre, se défendre de leurs imbécillités et de la haine des autres… Je vieillis chaque jour ; et chaque jour passe comme un siècle, et m’apporte ce qu’un siècle peut m’apporter ; parfois je sens que je sais tout, et parfois je sens que j’ignore tout et parfois je me sens comme un olivier au milieu d’une terre aride : l’âge et la sécheresse, le vent qui souffle, et le vide…

Vingt-huit années se sont écroulées, et c’est la fatigue qui m'usurpe et délave tous mes couleurs et dérobe tous mes rêves. J’observe ce sentier s’étendre chaque fois que j’avance, et je me dis que cette infinité m’assassine, et je prie ma mort de survenir ; chaque histoire a une fin, et j’attend impatiemment la fin de la mienne, la paix, rien que la paix, et la paix devient mon seul désir, ma seul aspiration, mon seul amour, une passion…

J’aimerais tant reposer cette tête lourde encombrée de pensées futiles et de pensées sérieuses sur le sol, dans le froid, pierres dessus, pierres autour, marbre, ou simples pierres… J’aimerai tant allonger mon corps sur la poussière et devenir poussière, devenir légère, insignifiante, inerte… J’aimerai tant partir, tout laisser derrière et se rappeler de rien, j’aimerai tant faire ce voyage injustifié, justifié, sans moyens, sans valises, sans passagers, sans rien…

Vingt-huit années se sont écroulées, et je regarde ce monde du haut de ma tour ; j’observe tout et je ne rate pas une miette ; mes yeux s’affaiblissent, mon ouie aussi ; il me reste que la parole, quelques mots, une histoire à raconter, et dans l’histoire, il y a mille et une histoires ; il me reste qu’à tout raconter avant de quitter… Les mots d’amour me reviennent si jeunes, et les maux d’amours aussi m’envahissent si ardents ; les dessins du passé tracés et non retracés se mettent comme une voile sur mon visage : un tableau si hideux et ignoble…

Vingt-huit années se sont écroulées, et je ne sais plus si ce cœur bat encore; engourdi, apathique ce cœur est devenu et je le comprends et je ne lui en veux pas. Je lui ai fait beaucoup de mal… Pendant les vingt-huit années, ce cœur a souffert tous genres d’épreuves et douleurs ; ce cœur a combattu des guerres vaines, des guerres futiles ; et après ces guerres de passion acharnées, je comprends son malaise et mon malaise ; on a enduré tous les deux nos pertes, et on a fait tous les deux nos deuils… Des rêves envolés, une innocence perdue, des utopies brisées : si dure est la guerre de passion ; c’est si dur de se blesser et de blesser son cœur vainement…

Vingt-huit années se sont écroulées ; je ne cherche plus ; je n’attends rien ; je veux juste me reposer ; déposer mes fardeaux sur du papier puis partir quelque part, nulle part, ailleurs… Quand on perd la religion, la foi, l’espoir, et nos rêves, on devient un simple mirage que personne ne peut rattraper ; on devient une énigme impossible à résoudre ; on devient grand, plus élevé que toute la race humaine ; on devient en quelque sorte extrahumain, et fabuleux… Cette extra-humanité est difficile à survivre avec les simples gens de tous les jours ; elle devient un embarras ; elle devient pesante et fâcheuse ; et on sait que cette extra-humanité peut nous coûter très cher : un asile de fous peut-être, une prison, une expulsion hors de la soit disons civitas civilisée de la race intelligente…

Vingt-huit années se sont écroulées ; et voilà rien ne peut me surprendre, me duper ou me marquer ; je vois tout actes comme simple bêtises ; je considère toutes les histoires comme simples répétition ; je cherche la créativité et la fécondité vainement ; et je me moque des autres, de leur enfantillage et puérilité… Rien ne me surprend au moment où je m’attends à tout : au pire et au plus pire que le pire ; rien ne me surprend ; je sais tout ; je m’attends à tout ; ils s’attendent à rien ; ils ne savent rien : je suis l’inattendu, le fortuit, l’imprévu et l’improvisé… Au moins, grâce à mes réactions farfelues et mes actes et gestes déments, je sens un semblant de créativité et d’originalité autour : je me surprends ; je me marque ; je me dupe…

Vingt-huit années se sont écroulées ; vingt-huit misères et quelques centaines de bières ; et j’attends la fin de l’histoire avec hâte… Il faut dire que je m’ennui dans ce monde ; il faut dire aussi que je ne retrouve plus du plaisir ; après tout, il n’y a plus rien à explorer : je connais tous les débuts et toutes le fins ; je connais la simplicité et la complexité… Je m’ennui et je veux tellement reposer ma tête sur le sol, dormir éternellement, ne plus entendre une voix, ou une futilité ; ne plus écouter de bêtises ou de mensonges, aucun bruit, aucune vie, le silence total, et le froid glacial…

Vingt-huit années se sont écroulées ; et si je pars et si cette aimée paix se réalise enfin, j’aimerais bien qu’ils viennent boire leur vin prés de ma tombe ; j’aimerais bien qu’ils viennent faire l’amour sur mon sépulcre ; j’aimerais bien entendre leurs rires, et partager leurs joies ; j’aimerais bien qu’ils déposent quelques cailloux au lieu des roses : les cailloux ne se fanent jamais… et si je pars… J’aimerais tellement partir, me reposer, et déposer toutes mes armes, et tous mes fardeaux…

-Faithinlove-





2 commentaires:

bella_ragatsa a dit…

c'est triste, sinistre, dépriment mais qui traduit vraiment le côté fragile, humain , vulnérable de l'être humain dans un moment de détresse ; g adoré vraiment émouvant bravo

BILLY a dit…

ta 27 piges non pa 28 mdrrr