dimanche 4 janvier 2009

Ce qu’il ne faut pas dire


Je suis une femme, et j’aime une femme

C’était en hiver, une nuit si glaciale ; il pleuvait fort dehors et j’étais entrain de dessiner quelque chose sur la vitre de la fenêtre ; j’étais si bonne en dessin, mais je ne faisais que reproduire ce que je voyais ; réaliste, j’étais, enfant aussi, j’étais.

Quatorze misères j’avais, une enfance dure, une rage au ventre, et une envie exorbitante de s’exprimer, de parler, de dire « ce qu’il ne faut jamais dire ». On m’a appris à mâcher les mots, les mastiquer et les dévorer ; mon père connaissait très bien la censure ; ma mère aussi ; ils m’ont élevé sur les genoux de la contrainte, la réprimande, et le silence. Mon cher papa disait que notre pays est si petit dans sa liberté, si grand dans son aphasie; et mon cher papa m’aimait fort, si fort ; cet amour lui sautait des yeux, des yeux qui pleuraient que pour moi : une façon de s’exprimer peut-être, de dire je t’aime !

C’était en hiver, une nuit si glaciale ; il pleuvait fort dehors et j’étais entrain de dessiner quelque chose sur la vitre de la fenêtre ; j’étais si bonne en dessin, mais je ne faisais que reproduire ce que je voyais ; réaliste, j’étais, enfant aussi, j’étais.

Délicatement, elle s’est approchée, et finement, elle m’a caressé les cheveux ; elle adorait me cajoler et j’adorais la regarder ; je voyais en en elle « la Femme » ; enfin, elle était vingt-cinq misères plus âgée que moi. Chaque fois qu’elle m’approchait, je sentais que l’amour me sautait des yeux, des yeux qui pleuraient que pour elle : une façon de s’exprimer peut-être, de dire je t’aime !

Ce jour-là, elle était si douce comme la dernière gorgée de vin ; elle m’a prise par la main et elle m’a demandé de l’accompagner, de la suivre et je n’ai fait que la suivre, suivre ses pas, suivre mon cœur, et suivre ma destinée. Dans un grand salon, on étaient toutes les deux, pour la première fois seules ; je savais si bien qu’elle ne me voulait pas du mal, qu’elle voulait juste savoir si son intuition était juste ou pas ; elle voulait me découvrir, et je ne voulais que pleurer entre ses bras pendant un bref moment éphémère.

Elle : « Tes regards ? »
Ma stupidité : « C’est innocent.. »
Elle : « Je sais très bien que c’est innocent, mais tes regards me traversent comme une flèche… Tu connais l’histoire de Cupidon ? »
Ma stupidité : « Oui, bien sure que je connais ; je l’ai même vu, Cupidon, sur une carte postale l’autre jour »
Un fou rire …
Elle : « Parfois je me sens stupide, et je réagis comme une aliénée, mais bon…Je parlais d’un autre Cupidon, la mythologie grecque… Il faut lire Imen, il faut lire… »
Un moment de silence étouffant…
Elle : « Tu aimes à satiété la poésie ; cette littérature Arabe classique. J’ai plein de bouquins et je voudrai bien t’offrir quelques-uns… Mais je sens que cet amour cache un mystère, un autre amour peut-être… En un amour, on trouve de multiples amours, une infinité… »
Ma stupidité : « J’aime les mots, les images, lire entre les lignes, et rêver… J’aime le silence bruyant du livre, lire et écrire « ce qu’il ne faut jamais dire »… »
Elle : « Et qu’est ce que c’est que ce « ce qu’il ne faut jamais dire » ? »
Ma stupidité : « il ne faut jamais le dire ».
Elle : « Tu peux l’écrire dans ce cas ».
Ma stupidité : « Je commence à apprendre, et parfois je me dis que jamais j’arriverai à écrire, enfin écrire bien… »
Elle : « Tu écris bien, si bien à ton âge… J’adore te lire, et je sais que tu as du talent… Je suis sure qu’un jour je deviendrai un de tes personnages et je veux bien que tu prennes soin de moi sur la feuille. Rends-moi belle, superbe, magnifique. Rends moi Femme sur du papier ; fais de moi un ange ou un démon, une vérité ou une fiction, rends-moi Femme… »
Ma stupidité : « Mais vous êtes déjà Femme, belle, superbe et magnifique… »
Elle : « J’ai envie de te prendre entre mes bras, de te serrer fort, et de te dire « ce qu’il ne faut pas dire » ; j’ai envie de t’embrasser, mais je n’ai pas le droit de le faire ; je ne peux pas le faire … »
Ma stupidité : « Moi aussi j’ai envie de vous dire « ce qu’il ne faut pas dire », mais je préfère prendre mon silence entre mes bras et l’embrasser… »
Elle : « Tes regards ? »
Ma stupidité : « Du feu, un incendie, un interdit, un sacrilège… »
Elle : « Mes regards aussi… »
Ma stupidité : « Du feu, un incendie, un interdit, un sacrilège… »
Elle : « Que ce feu brûle à jamais… Qu’il t’emporte comme il m’emporte… Que l’enfer soit le notre… Tu n’as pas peur de l’enfer ? »
Ma stupidité : « Je ne crois pas qu’il y a un enfer plus monstrueux que mon enfer… J’ai toujours aimé le feu, les incendies, et les sacrilèges… Dieu me créa ; dieu créa mon feu, mes incendies et mes sacrilèges… Un péché, je suis née, un péché je demeurerai… »
Elle : « Tes regards, et mes regards, du feu qui revivifie du feu ; et demain je vais partir, et tes regards demeureront si vifs comme du feu ; et elle brûlera, celle qui viendra ; et elle t’embrasera ; tu m’oubliera ; je serai qu’un incendie distant, un passé… »
Ma stupidité : « Je ne veux même pas réfléchir à votre départ, au futur qui sera passé, et au passé qui sera futur ; je ne veux pas réfléchir aux misères ; vos mots me sont si amères ; et je ne supporte pas le goût de ce mot : « partir », où, pourquoi, quand…. »
Elle : « Tu feras ton chemin ; t’es forte ; tu me dessineras sur une vitre ; ou tu me poseras comme un baiser sur une feuille ; je ferai mon chemin, et je souhaiterai te revoir, plus grande, plus forte, plus femme ; je souhaiterai te revoir de loin ; je n’aimerai guère que t’aperçois les dessins de l’age sur mon visage… »
Ma stupidité : « Les regards, du feu ; je sentirai ce feu même de loin… »
Elle : « J’ai un pressentiment… »
Silence amer…
Elle : « Tu diras un jour « ce qu’il ne faut pas dire » ; tu le feras… Tu dévoreras tes misères, et tu les ressortiras… Tu déshabilleras tous les mensonges, et tu les habilleras à ton goût… Tu voleras mon silence, leurs silences et tu le transformeras en clameur… Tu créeras ton pays ; tu combattras pour accéder à la liberté, et la souveraineté de ta nation ; et ton combat, en lui-même, sera ton indépendance et ton pouvoir, un premier pas sûrement, mais pas le dernier certainement… »
Ma stupidité : « Je ne comprend pas… »
Elle : « Tu comprendras… »
Ma stupidité : « je… »
Elle : « Chut, ne dis pas « ce qu’il ne faut pas dire » ; c’est encore tôt ! Pleure ! Comme je pleure… C’est une façon de s’exprimer, de dire « ce qu’il ne faut pas dire »… »

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Treize misères après, me voilà ! Je suis rien, si frêle et pas du tout forte… Me voilà, mélancolique et affaiblie… Entre un mot et un mot, je voyage ; et je n’arrive même pas à composer une phrase ; je pense à elle, parfois…. Une Femme, si belle, si superbe, si magnifique… Je me rappelle de son parfum, ses mots, ses gestes, et ses câlins… En ce jour, si mes comptes sont bons, elle fête sa cinquante-deuxième misère… Je l’ai aimé, et je l’aime encore… Je l’aime…

-Faithinlove-

1 commentaire:

bella_ragatsa a dit…

c'est vraiment touchant; plein d'émotion et de sincérité; j'ai adoré ce côté émotif à travers le choix des mots et la mélodie qu'on sente en lisant; bravo aussi parce que t'es arrivé à écrire à propos de toi ce que moi je n'ai pas réussi à faire