mardi 23 juin 2009

Les Fruits d’éden sont Scarlet

Quelque force divine déclara le cirque ouvert le premier jour quand elle poussa le premier cri et inhala la première bouffée d’air. Son cri était ce jour là un cri de la vie qui venait de voir le jour ; un tout petit cri, un signal peut-être qui annonçait l’ouverture du grand cirque, un cri de la vie accompagnée par un cri de douleur amère. Il y avait ce jour là deux femmes, et il se passa ce jour là la première rupture entre Mademoiselle et une femme. C’est si dur de séparer la vie de la vie, de séparer un corps d’un corps, de séparer une femme d’une femme. Quand Mademoiselle vit le jour, la force divine déclara l’ouverture du grand cirque, le grand cirque de la Demoiselle nommé « Scarlet ».
Scarlet, ce rouge de l’interdit que Monsieur Nathanael désigna dans son œuvre pour tracer la souffrance d’une femme se transforma en une Femme : Hester Prynne, Juliette, Lady Macbeth, Lolita, etc… se transformèrent en une seule « Mademoiselle Scarlet ».
Entre les bras de la première Femme, Scarlet était impuissante, et comme tous les enfants elle exigeait la présence de la mer, enfin de la mère. Elle se sentait comme une petite fraise qui ne voulait pas quitter le fraisier et elle adorait la fraise et la couleur Scarlet, une couleur qui lui rappelait la mer, les douces eaux rouges dans lesquelles elle flottait. Scarlet passa son enfance entre femmes et ombres de femmes ; elle grandit sous l’ombre du fraisier et jura de ne plus s’en séparer.
Les années passèrent, et Scarlet se transforma ; des fruit commencèrent à pousser partout sur son corps ; elle contempla la poussée d’une paire de pommes sur sa poitrine ; elle regarda deux framboises se dessiner en haut de chaque pomme ; elle observa la fraise pousser sur ses lèvres et les grenades se poser en bas de son dos. Scarlet comprit alors que son corps était un merveilleux jardin où seulement les fruits Scarlet pouvaient pousser. Belle était Scarlet, majestueuse, délicieuse, une utopie qui risquait de devenir vraie. Mais…
La pauvre ne savait pas que hors de son domaine les goûts pouvaient varier, bouleverser et transformer, peut-être même tuer. Scarlet ne savait pas que quelques fruits pouvaient être empoisonnés ou interdits ; elle ne savait pas qu’un fruit était un prétexte suffisant pour la renvoyer du paradis et la chasser de l’utopie pour enfin la jeter au bord de la mer rouge dans le plus grand désert de l’Orient. Scarlet ne savait rien de rien ; elle ne connaissait pas le Coran, la Torah, l’Evangile, la Kamasoutra… Pauvre Scarlet ! elle recherchait d’autres jardins, d’autres délices, et ne savait pas que certains délices pouvaient renfermer les plus néfastes amertumes. Mais… C’est le cirque !!!
Le cirque commença quand les premiers raisins étaient prêts à être écraser... du vin coula ce jour là… et Scarlet contempla le ruisseau de vin jaillir du grand puit ; le vin éclaboussa ses jambes, ses vêtements et se mélangea avec sa sueur et sa peur. Elle avait peur ; elle ne comprenait pas que c’était du vin rouge, un vin enivrant qui venait arroser le magnifique jardin qu’était son corps. Le cirque commença quand Scarlet se sentit ivre de désirs, ivre d’appétit et de tentation : Des clowns, des jongleurs, des magiciens, des trapézistes, des dompteurs envahirent le domaine de Scarlet ; certains voulaient jouer ; d’autres voulaient impressionner ; quelques autres voulaient profiter ; tout un cirque vint quand le ruisseau de vin vint enivrer Scarlet et rendre le mythe vain… Mais…
Scarlet voulais un jardin, un si beau jardin que le sien avec un ruisseau de vin Scarlet, et des fruits Scarlet comme les siens. Scarlet voulait du vin et n’espérait que l’ivresse qui la ramènerait vers le corps d’une femme, le premier corps qu’elle connut avec le premier cri et la première bouffée d’air. Alors, elle chassa tout le cirque et dépêcha tous ses désirs pour rechercher les jardins, les fruits rouges, et le vin, et conquit et adora être conquise et goûta à l’interdit et l’empoisonné et rêva. Scarlet, rouge Scarlet, un rouge rouge, un corps féminin qui naquit du féminin, et s’inonda de vin et de plaisir fut la plus grande pour avoir chasser le cirque et la plus délicieuse pour avoir recueilli les jardins et les fruits rouges en elle. Mais…
Une utopie est une utopie et Scarlet n’avait rien de l’utopie…J’ai oublié la date ; peut-être je fais semblant d’oublier…
En …., Scarlet se décéda. Les dernières années de sa vie, elle souffrit de la sécheresse ; le ruisseau de vin ne fut plus ; les fruits expirèrent : Scarlet n’était qu’un jardin abandonné, un jardin qui attendait la mort, mais un jardin heureux, un jardin qui sut vivre le plaisir et le danger, et survivre l’interdit et l’empoisonné… Pardon, j’ai oublié la date ; je fais semblant d’oublier car à mes yeux Scarlet demeurera éternelle, une femme qui naît d’une femme pour donner à une femme, et recevoir d’une femme, une femme qui surgit d’une femme pour se transformer en une ombre de femme afin d’abriter les femmes à venir ; les jardins de Babylone, les fruits d’éden.

-Faithinlove-